Janviose
Foiré, mais repu
Au Cameroun, le mois de janvier ne rime pas toujours avec bonne année. Passée l’euphorie de vœux, on retombe dans la dure réalité. Dure réalité d’un mois annoncé difficile, sur le plan financier. Tout le monde ou presque crie le «foirage». Les poches sont vides. Les portefeuilles traînent des peaux de chagrin.
Pourtant, il n’y a aucune honte à avoir. Pas besoin de détourner le regard. D’avoir une mine renfrognée. Quand l’argent ou ce que les jeunes de chez nous appellent «l’ahan» devient une denrée rare. Au pays des Kamers [Camerounais, en langage local Ndlr] on sait bien jongler. Jongler, se débrouiller avec le peu qu’on a et faire des merveilles. Ah, ils sont très résilients les Camerounais! De vrais durs à cuire, ayant un instinct de survie bien développé. Avec «Kolo» [1000Fcfa (1,5 euros), Ndlr] ou 2 "kolos" [2000Fcfa (2,5 euros, Ndlr], ils s'offrent un menu équilibré. Il suffit d'être juste un peu futé! Vous savez, le «riz sauté avec les obstacles» a une saveur particulière pendant la «janviose». Un «rare goût» pour emprunter, encore, une expression au vocabulaire jeune. Le ragoût de macabo (Mkpele mekaba), la sauce d’arachide aux harengs fumés (chez nous, ça coûte 100F un hareng séché), le «Kpem» sans sel (feuilles de manioc pilées), le "koki", l'okok, le nkonda, le mets d'arachide...sont autant de plats au menu des temps difficiles.
Alors, pour les 10 jours, on prend la résolution de résister à la «janviose». De faire avec les moyens du bord. On n’ira pas voler pour si peu, pardi ! On ne maudira pas le Bon Dieu, non plus ! On a connu, au moins des fois, des jours heureux. On a dégusté des repas copieux, en ces temps mémorables. Si Dame «janviose» nous invite à la retenue, on l’y suit, sans paniquer !
G-Laurentine ASSIGA